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M.R. James (1862-1936)

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Par VanPrinn

Montague Rhodes James n'a pas développé de thème particulier qui ait marqué le genre fantastique, et il n'a que peu influencé Howard Phillips Lovecraft. Toutefois, ce dernier tenait les oeuvres de James en haute estime, notamment dans son essai Epouvante et surnaturel en littérature. Et c'est probablement cet honorable universitaire britannique qui souffla à HPL ses scientifiques plongés en d’obscurs ouvrages, fouillant d’antiques ruines ou réveillant d’anciennes et indescriptibles créatures démoniaques ; il suffit pour s’en rendre compte de comparer Le comte Magnus de James avec Le journal d’Alonzo Typer de H.P. Lovecraft et William Lumley…

Or Lovecraft lui, le plus souvent, donne constamment dans le paroxysme, et malgré ses développements intellectuels, les réserves qu'il exprime sur James semblent prouver à quel point lui même au contraire essayait plutôt de susciter des émotions par les sens que par l'esprit.

M.R. James fut un distingué professeur d'histoire médiévale, notamment à Eton et à Cambridge, où ses travaux firent autorité. Mais il fut aussi très certainement le meilleur écrivain de ghost stories toutes époques confondues ; il contribua au début du XXe siècle à transformer ce genre, non par quelques nouvelles mais grâce à des dizaines de textes. Il a su dépoussiérer les vieux et parfois aimables fantômes victoriens pour les rendre plus agressifs et plus horribles que jamais. M.R. James se réclamait de Sheridan Le Fanu, ce qui peut être étonnant car il le surclassait largement, sinon dans l'épouvante pure, du moins dans le domaine de l'inquiétude : c'est à James que l'on doit l'occupant inconnu de la chambre N° 13, le sinistre comte Magnus accompagné de son compagnon en capuche d'où sortent des tentacules, le sifflet maléfique qui suscite la venue d'un esprit malveillant dont on ne connaîtra jamais l'identité exacte, ou encore l'horrible contenu de ce qui est sensé être le trésor d'un abbé dans une cathédrale…

Malgré un côté parfois kitsch, M.R. James savait écrire des histoires gothiques d'un fantastique plus conventionnel mais narrées de manière habile et efficace. Il ménageait des apparitions de démons très explicites, toujours brèves et détournées pour ne jamais en faire trop dans le grand guignol. L'écrivain britannique avait ses moments plaisamment horrifiants, telle cette description au début de Sortilèges d'une séance de lanterne magique, laquelle a été offerte par un sorcier aux enfants d'une école : plus cauchemardesque qu’aucun film d’horreur… A tout celà, James ajoutait une touche très british - avec des titres comme Siffles, et je viendrais à toi, mon cher - toute en nuance, sans l'humour noir acide d'Ambrose Bierce auparavant ou Robert Bloch par la suite…

Plus qu'Edgard Allan Poe, auquel on pense lorsqu'on lit certains textes gothiques de Lovecraft tels Le molosse, M.R. James savait écrire ce genre de nouvelle mais avec élégance et de manière plus subtile. Alors que HPL laissait libre cours à ses émotions, l'écrivain britannique était plutôt un “cérébral”, dosant mieux ses effets - avec, il est vrai, une profondeur d'imagination bien moindre que le solitaire de Providence pour décrire des mondes et des créatures étrangères : James s'appuyait ainsi sur un registre plus classique aux thèmes peu novateurs. Il faisait appel au surnaturel là où HPL introduisait des concepts qui se veulent scientifiques, avec des créatures nettement matérielles. Lovecraft écrivait ainsi que “les émotions sont suscitées plus souvent par l'esprit que par les sens” et que chez James “cette méthode manque parfois de paroxysme”, jugeant que “beaucoup de gens trouveront que l'atmosphère n'est pas assez tendue, contrairement à Machen”…

Notons enfin que la nouvelle Sortilèges (Casting the Runes) a été assez librement adaptée au cinéma par Jacques Tourneur en un excellent Rendez-vous avec la peur (The Night of the Demon).

hplovecraft/m.r._james.txt · Dernière modification: 2021/05/09 18:42 (modification externe)