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bibliographie:h.p._lovecraft_ou_la_quete_de_l_inconnu

H.P. Lovecraft, ou la quête de l'inconnu

2011, par Charlène Busalli.


Par KADATH, MI-GO, Robert Olmstead, Silent God & The_Whisperer

Au-delà de la connaissance

H.P. Lovecraft, ou la quête de l'inconnu est une thèse soutenue par Charlène Buselli pour l’obtention du mémoire de Master 2 de recherche en littérature et civilisation anglo-saxonne.

Axée autour de 3 grands chapitre, “Un immense inconnu : l’insignifiance de l’humanité à l’échelle du cosmos”, “Lovecraft et la peur de l’inconnu” et “La fiction lovecraftienne à la conquête de l’inconnu”, ce travail érudit et intelligent scrute en profondeur la quête de la connaissance véritablement au coeur de l’oeuvre de Lovecraft, et l'interrogation de l'être humain sur cet infini que nous cachons en nous-même.

Ainsi l’oeuvre fictionnelle de Lovecraft oppose alors à l’immensité de l’inconnu la position pour le moins insignifiante de l’humanité dans le cosmos. S’opposant à l’optimisme du XIXe siècle, Lovecraft refuse l’idée de suprématie humaine, c’est pourquoi ses récits regorgent de monstres fantastiques bien plus puissants que ces humains dont le caractère éphémère est de surcroît soulignée. L’oeuvre lovecraftienne est essentiellement antianthropocentrique…

L'auteure souligne la façon dont HPL minimise la place de l'homme dans son univers : ”c’est en effet à la prétendue suprématie d’une humanité considérée comme l’espèce la plus évoluée et, qui plus est, comme étant en perpétuel progrès, idée chère aux Victoriens, que l’oeuvre lovecraftienne s’oppose. Ce que lecteurs et critiques confondus appellent aujourd’hui le Mythe de Cthulhu, bien que Lovecraft lui-même n’ait jamais utilisé ces termes pour faire référence au panthéon de dieux dont il est à l’origine, a pour seul but de dénigrer la puissance de l’homme sur une Terre qu’il n’est ni le premier, ni le dernier à habiter et, ainsi, de le mettre face à sa propre insignifiance. De plus, le thème de la dégénérescence commun à de nombreux textes fictionnels de l’auteur place l’humanité dans une position de simple espèce animale éphémère susceptible d’être supplantée par d’autres espèces plus aptes à survivre.

Points de vue

Au sujet du fameux Mythe de Cthulhu, Buselli tord quelques idées reçues : ”en effet, contrairement à la superstition, la religion est bel et bien présente dans la fiction lovecraftienne, mais c’est surtout sa futilité qui est mise au premier plan. Il est important de souligner que les dieux lovecraftiens ont pour particularité de ne pas avoir créé le monde, les Grands Anciens s’y étant installés pour un temps au cours de leurs pérégrinations à travers le cosmos.“.1)

Cette quête désespérée de la connaissance par l'homme d'un univers qu'il ne peut saisir pleinement, sauf à en souffrir, se matérialise par l'évanouissement : malgré son caractère inconscient, l’évanouissement constitue donc une forme de fuite pour ces personnages ; il leur permet de stopper le processus de connaissance d’eux-mêmes généré par des phénomènes révélateurs de leur position réelle dans le cosmos.”. Par ces quelques mots, on peut voir à quel point Lovecraft avait réfléchi à la forme fantastique, à la philosophie qu'il voulait insérer et à son système rhétorique, à son originalité. Et on ne peut que se demander pourquoi lui-même ne se considérait pas comme un écrivain un tant soi peu important, d'autant plus quand on pense qu'il hésitait à détruire le manuscrit de Dans l abîme du temps

Sur la critique du monde moderne par HPL, Busalli écrit : “L’auteur était partisan d’une ségrégation totale sur un plan culturel et ceci pour une raison bien précise. Lovecraft était en effet persuadé que la tradition était indispensable au bien-être de chacun, allant même jusqu’à écrire, malgré son amoralité, que la possibilité d’associer des faits quelconques à une tradition était pour lui ce qui se rapprochait le plus d’une valeur. La tradition était en effet pour Lovecraft synonyme de certitude, comme un point fixe auquel se raccrocher dans une époque moderne affligée par le changement.

Conclusion

Et de conclure sur “l'actualité de l'oeuvre de Lovecraft” : “L’un des exploits les plus remarquables de H. P. Lovecraft est sans doute d’être parvenu à donner une portée philosophique telle à son oeuvre fictionnelle que des lecteurs du XXIe siècle parviennent toujours à se reconnaître dans les angoisses que celle-ci reflète, bien qu’un grand nombre d’éléments la rattache clairement à l’époque à laquelle l’auteur vivait.

Les 68 pages se lisent assez facilement pour un texte de ce niveau intellectuel, Busalli ne tombant jamais dans la surcharge de termes trop pointus pour les lecteurs lambda. Une bibliographie et un index bien utiles complètent cet essai. Enfin, il est appréciable que Charlène Busalli ait eu la bonne idée de laisser sa thèse en libre distribution.

Interview

MI-GO - Une lecture intéressante en perspective, qui de plus est généreusement mise à la disposition du bon peuple !

Charlène Busalli - C'est un mémoire que j'ai présenté l'année dernière pour l'obtention du Master 2 de recherche en littérature et civilisation anglo-saxonne à l'Université Jean Monnet de Saint-Etienne. J'ai décidé de le partager non pas parce que je le considère comme un ouvrage de référence (il ne s'agit du résultat que d'une seule année de recherches, c'est-à-dire un grain de sable par rapport aux dizaines d'années qui ont consacré d'autres auteurs) mais parce qu'il me semblait que des personnes intéressées par le sujet pourraient prendre plaisir à le lire, et que si le peu de recherches que j'avais pu effectuer en un si cours laps de temps pouvait servir à d'autres, il aurait été dommage de les en priver. Je suis donc ravie de voir que mon texte ne fait pas que dormir dans les entrailles de l'Internet mondial mais qu'il a pu apporter du plaisir à quelques lecteurs.

The_Whisperer - Etes-vous lectrice de Lovecraft ?

CB - Oui, tout à fait !

KADATH - Quels sont les titres que vous préférez chez HPL ?

CB - C'est un peu difficile de répondre puisqu'il y en a beaucoup mais, si je ne dois en donner que quelques-uns, je dirais Je suis d'ailleurs, A la recherche de Kadath, Les montagnes hallucinées, Le cauchemar d'Innsmouth, L'appel de Cthulhu, La couleur tombée du ciel, Dans l'abîme du temps et L'abomination de Dunwich. Je suis d'ailleurs est peut-être mon texte préféré, même si ce n'est pas forcément le plus abouti, car c'est le tout premier texte que j'ai lu de HPL et il m'a vraiment marquée.

K - D'où vous viens l'intérêt pour cet auteur qui vous a poussée à lui consacrer un an de recherche ?

CB - J'ai découvert Lovecraft vers 16/17 ans lorsqu'on m'a offert les recueils Je suis d'ailleurs (Folio SF) et Démons et merveilles (10/18). Je n'ai jamais eu aussi peur en lisant un livre que lorsque j'ai ouvert pour la première fois le premier recueil. Je l'ai lu d'une traite et je me souviens exactement où j'étais, et l'état dans lequel cela m'avait mis, à sursauter au moindre bruit… J'en souris encore chaque fois que j'y pense ! Quant au second recueil, aucun autre livre n'a réussi à me faire ressentir la même sensation d'étrangeté, si ce n'est peut-être les livres d'Arthur Machen. Après un premier mémoire de Master 1 sur Dracula de Bram Stoker (Myth, Fiction, and Reality in Bram Stoker's Dracula: The Embodiment of Victorian Taboos), j'avais envie de continuer mes recherches sur le genre horrifique puisque c'est un genre que j'affectionne particulièrement, et que je trouvais dommage qu'il soit encore aujourd'hui “boudé” par une majorité d'universitaires (seuls les auteurs classiques du gothique anglais et Poe sont étudiés régulièrement en fac d'anglais, je ne sais pas exactement ce qu'il en en est pour les auteurs d'autres nationalités mais il me semble que ce n'est pas glorieux non plus). Le choix de Lovecraft s'est alors imposé comme une évidence, car il est pour moi le maître du genre. Autant dire que je ne regrette absolument pas ce choix puisqu'il s'est avéré être un sujet d'étude fascinant.

1)
On notera, hors propos, que la religion a également une vertu (unique ?) aux yeux de Lovecraft, celle de créer les conditions de la perpétuation d'une esthétique civilisationnelle et d'une transmission. Et de citer notamment le catholicisme qui, ainsi que l'écrit le Maître de Providence, ”cristallise l'ignorance et la superstition du peuple“ mais est, comme toute religion, ”une forme d'art traditionnel dépendant d'un héritage simple et ininterrompu“.
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