The Necronomicon, 1978, coll. , éd. Belfond. , rééd. 2008 Le Pré aux Clercs.
Quel lovecraftien digne de ce nom n'a jamais entendu parler de ce fameux Necronomicon ? Quel amateur de sciences occultes ne le possède pas sur une étagère poussérieuse de sa bibliothèque ? Voici l'une des plus fameuses - à défaut d'être intéressante - version du livre impossible…
Le “Necronomicon de George Hay” ou “Necronomicon de Langford et Turner” ainsi qu'on le qualifie pour le distinguer des publications éponymes, est l'un des plus célèbres canulars inspiré par l'oeuvre de Lovecraft. Publiée aux Etats-Unis en 1978, il a été traduit un an plus tard en France. La dernière édition dans la langue de Molière date de 2008.
H.P. Lovecraft ayant écrit que John Dee, célèbre astrologue de la reine Victoria en son temps, avait traduit en anglais le livre d'Alhazred, ce Necronomicon est présenté comme une étude d'un obscur manuscrit de Dee conservé au British Museum.
Après la reprise de l'Histoire du Necronomicon du Maître de Providence, une longue introduction de Colin Wilson - près de la moitié du volume -, spécialiste de l'histoire de l'occultisme et écrivain assez vaguement lovecraftien, nous explique de manière fort convaincantes et convaincue, références à l'appui, comment et pourquoi le Necronomicon a existé bien avant que Lovecraft ne le mentionne dans ses histoires. Wilson nous parle de francs-maçons, d'Aleister Crowley, de la Golden Dawn, de tout un tas d'illustres personnages du monde de la magie contemporaine… C'est assez intéressant mais parfois compliqué à suivre pour le néophyte. Suit le détail du travail des chercheurs pour éclaircir - par ordinateur - le fameux manuscrit de Dee : comment il y ont fait et ce qu'ils ont découvert. Très scientifique mais hautement rébarbatif.
Vient enfin ce que tout le monde attend depuis cent vingt-cinq pages : le résultat de cette étude. Sous le titre de Fragments du Necronomicon sont ainsi rassemblées en quelques dizaines de pages illustrées plusieurs courts chapitres du Livre des Morts. Présenté à la manière d'un Grand Albert ou d'un Rituel de Haute Magie, tout cela s'avère malheureusement fort éloigné de la conception de l'Al-Azif par Lovecraft. Explication : pour HPL, le Necronomicon était un gros condensé de l'univers cosmique dans lequel nous vivons, à la manière d'une encyclopédie étrange parsemée d'invocations et de sortilèges, le tout rédigé par un dément. Dans le Necronomicon de George Hay, on est en face d'une simple liste de d'invocations des Anciens, austère et les délires littéraires et graphiques d'un fou ; ces invocations sont à peine détaillées, le style littéraire est affreusement lourd et indigeste, proche d'un mauvais Derleth. Trop éloigné des quelques extraits de L'abomination de Dunwich par exemple. C'est bien dommage car au vu de tout ce qui était annoncé auparavant, on est plutôt déçu. Pourquoi ne pas avoir repris les extraits de Lovecraft, justement, quitte à les adapter légèrement ? Pourquoi avoir insisté sur l'aspect magie noire plutôt que cosmique du Necronomicon ?
Le reste du livre se compose d'annexes concernant Lovecraft, son oeuvre et toujours Al-Azif. Très riches en informations mais parfois sans trop lien entre elles, ces études sont finalement hors-propos puisque se contentant plus de brouiller le lecteur sur la supposée existence du Necronomicon que d'expliquer son contenu.
Ce livre qui, à sa sortie, était présenté comme une authentique étude sur le Necronomicon fut par la suite reconnu par ses auteurs comme un canular. La mise en scène s'avère solide et documentée mais le résultat est bien terne et pauvre, trop conditionné et loin de ce que les vrais admirateurs de Lovecraft imaginent. Néanmoins, cet ouvrage permet de faire bonne impression dans un salon ou sur une table de jeu de rôle !