You are not logged in.

#1 2013-09-15 19:43:58

pitichampi
Member
Registered: 2012-12-08
Posts: 5

Noël Cthulhien

Salut tout le monde.

Je pensais l'avoir publié ici mais je me rend compte qu'en fait... Ce n'est pas le cas...

Voici donc une très courte nouvelle que j'ai écrit pour les fêtes de l'an passé. Une inspiration libre de l'univers de Cthulhu. C'est mon premier texte et il avait pour vocation d'être lu. Pouvez-vous me donner votre avis ?

Bonne lecture...

-----------------------------------------------------

Ne vous êtes-vous jamais demandé comment faisait le Père Noël pour distribuer tous ses cadeaux en une nuit ? Il y a bien les fuseaux horaires qui peuvent l’aider mais est-ce suffisant ?

Ne vous êtes-vous jamais demandé comment faisait ce vieillard grassouillet pour être présent dans la galerie commerciale de Carrefour et au bas de la rue au même moment ?

N’avez-vous jamais remarqué l’odeur fétide dégagée par ces gros bonhommes costumés de telle manière qu’on ne distingue même pas le moindre centimètre carré de peau ?

Il y a une explication à tout cela. Elle existe mais serez-vous prêt à l’entendre ? Puis l’accepterez-vous ? C’est un coup à vous faire haïr ce que certains considèrent comme une fête merveilleuse et féerique. Mais moi je peux maintenant vous le dire. Les étoiles, les angelots, tout ça c’est de la poudre aux yeux. La vérité est bien plus sombre. Bien plus effrayante. Bien moins avenante.

J’avais 6 ans quand j’ai commencé à soupçonner que tout ne collait pas entre ce que je voyais et ce que me racontaient les parents ou les copains à l’école. Certains de mes camarades disaient que le Père Noël n’existait pas. Mais je sais pourquoi ils disaient ça... Parce qu’ils avaient peur d’affronter la vérité en face. Il faut dire que celle-ci est tellement... bizarre... qu’elle est difficile à croire et à accepter.

Dans les incohérences que j’avais soulevé, je me demandais pourquoi mon père, mon grand père ou le monsieur de la cantine étaient toujours absents quand le gros bonhomme rouge montrait le bout de son nez à la maison ou à l’école. Ensuite je ne comprenais pas pourquoi il avait besoin de dissimuler autant son apparence. Son corps difforme était-il si effrayant qu’il devait se parer de rouge et blanc de la tête aux pieds ? Et comment réussissait-il à couvrir un tel réseau ? A être présent à la fois à droite, à gauche, au nord, au sud... un réseau littéralement... tentaculaire... Ah ! J’en vois certains d’entre vous qui commencent à frissonner... à comprendre de quoi je veux parler...

J’ai bien essayé de tirer la barbe du bonhomme sur lequel j’étais assis. Mais cela ne donnait aucun résultat satisfaisant. Cela ne faisait que libérer l’odeur pestilentielle de ce que je pensais être son haleine.

A 10 ans, je me fis offrir une panoplie de petit chimiste. Quelques mois plus tard, j’étais tombé, dans la bibliothèque de mon grand père, sur un vieux bouquin. La couverture ne correspondait pas du tout à ce qu’il y avait dedans. Alors que je pensais récupérer le «Catalogue 1934 des dessous féminins», je me trouvais nez à nez avec un ouvrage aux écritures compliquées sur lequel figuraient des mots comme mercure, souffre, sel, eau tri-distillée, nitrate de potasse... Ces termes me disaient vaguement quelque chose. Certains étaient des composants que je trouvais justement dans ma boîte magique. D’autres étaient dans la pharmacie de la salle de bains...

A côté de ces éléments chimiques, d’autres textes plus obscurs encore étaient inscrits. Le langage, retranscrit en caractères occidentaux, ne semblait rien vouloir dire. En essayant de les prononcer, cela ressemblait plus à des exercices gutturaux ou à des gargarismes. Ces textes illustraient des gravures qu’on aurait pu comparer à une chorégraphie. Un peu comme s’il s’agissait d’une comptine à gestes pour les jeunes enfants.

Ne trouvant d’abord aucun intérêt à cet ouvrage (pas de trace de corsets ou autres dessous affriolants), je le reposai en bonne place, l’oubliant.
Je grandis encore. Les dessous affriolants des magazines ne me faisaient plus d’effet comparé à ceux des nombreuses conquêtes que je collectionnais. En revanche je m’intéressais toujours à la chimie. En étudiant l’histoire de cette discipline lors de mes études supérieures, je fus naturellement en contact avec une discipline jumelle, l’alchimie. Cartésien dans l’âme, je pris celle-ci comme une affabulation et ne prêta pas attention aux élucubrations qu’elle inspirait.

Puis vint le décès de mon grand père. C’était une semaine avant noël. Etant la seule personne intéressée par le monde de la culture (les autres préférant flamber leur salaire durement acquis sur une presse hydraulique aux courses hippiques) je fus l’héritier de tout le contenu de la bibliothèque. Je ne disposais pas d’assez de place et je devais me séparer de certains ouvrages. J’entrepris donc le tri des livres de mon aïeul. C’est à ce moment là que ma conquête de l’époque et moi tombèrent sur le fameux ouvrage que j’avais remarqué quelques années auparavant.

Ma compagne allait le mettre directement dans le carton destiné à la cheminée mais son geste fut interrompu lorsqu’une note que je n’avais pas remarqué à l’époque tomba sur ses genoux. Elle devint livide. Alors que je la dévisageais, je crus discerner dans son regard un mélange de crainte, de haine et un sentiment de toute puissance. Oui je sais, cela peut sembler contradictoire. Mais ce n’est pas plus curieux que ce qui arriva par la suite.

Alors que nous ne fêtions plus noël depuis longtemps, ma douce de l’époque décida de revenir aux traditions. J’achetais alors, pour lui faire plaisir, un sapin, quelques boules et 4 ou 5 guirlandes. Je me dis que cela suffirait largement à la satisfaire. Ce ne fut pas le cas. Et elle m’emmena avec elle dépenser ma maigre pension d’étudiant dans un magasin spécialisé en décorations de fêtes. Une crèche, des santons (alors que ni elle ni moi n’étions croyants), mais aussi des bougies en grand nombre et d’autres choses que je ne saurai nommer. Elle me conduisit alors dans un magasin d’art pour y acheter des peintures pour vitraux. Je n’avais plus de temps devant moi pour ces exubérances car je devais terminer un mémoire que j'étais censé présenter le lendemain. Je la laissais donc poursuivre ses achats craignant pour l’avenir des 3 loyers à suivre...

Le lendemain donc, revenant des cours, l’appartement du 34 Boston Street de Philadelphie dans lequel nous nous étions installé en collocation puis en couple était devenu une espèce de temple dédié à noël. A côté, le plus grand magasin de jouets de la ville faisait pâle figure. Des bougies étaient disposées méthodiquement sur de grands trépieds, des peintures chamarrées décoraient les fenêtres. Plus curieux encore, le lait, le pain, les gâteaux étaient là. Devant une cheminée qui le matin-même n’existait pas. Il s’agissait en fait d’un assemblage de briques fait contre le mur extérieur dans lequel elle avait percé un orifice afin de laisser s’échapper les fumées. Une cheminée ! Elle avait creusé une cheminée dans l'appartement... Me lamentant pour la caution du logement que je ne reverrais sans doute jamais, je partis à la recherche de la belle.

Impossible de trouver sa trace. J’entrepris donc de ranger un peu le fatras de nourriture et de récipients étranges disposés devant la cheminée. Mais avant d’avoir pu atteindre l’âtre, mon regard fut attiré par le livre posé sur une table. Une table qui semblait avoir été disposé comme sur un autel. Le livre, c’était celui que j’avais découvert chez mon grand père. Elle ne l’avait donc pas jeté. Que faisait-il ici ? Ouvert à cette page. Intrigué, je me plaçais alors à la place que pouvait occuper un hypothétique orateur et me mis à lire tout haut les «mots», si l’on peut dire, inscrits sur la page ouverte. Je ne sais pas pourquoi mais cela m’amusait de jouer aux diseurs de messe.
Alors que je déclamais les syllabes étranges, un sentiment malsain m’envahit. Je ne pouvais plus m’arrêter de lire. De scander ces incantations. Le rythme de celles-ci entraîna mon corps tout entier et je me mis à reproduire très exactement la fameuse chorégraphie que j’avais observée. Quand soudain je me retrouvai emporté, comme arraché depuis le sol, par une tentacule hideuse. Celle-ci prit littéralement possession de mon corps. Elle entra en moi. Mon corps disparaissait peu à peu, fondant autour de cette tentacule verdâtre et malodorante.

Je me retrouvai quelques secondes plus tard ou quelques jours, je ne puis dire, au milieu d’une rue, une cloche à la main, demandant aux passants une pièce pour manger. J’étais affublé d’un costume rouge et blanc et d’une barbe grisâtre et sale. J’étais transformé en un véritable Père Noël de rue. Au fond de moi je voulais quitter ce corps, revenir dans mon appartement et enlever tout ce décorum ridicule et surtout, brûler ce livre. Mais je ne pouvais pas. Je ne contrôlais plus mon corps.

La période des fêtes passée, je redevenais William Banedict, étudiant tranquille qui connaissait la vérité mais qui ne pouvait la dire. J’aurais voulu crier au monde entier la vraie nature du gros bonhomme rouge mais il m’était impossible de m’exprimer. Impossible de clamer ce qui pourtant méritait d’être scandé haut et fort pour préserver d’autres victimes de cette ignominie. Le simple fait de commencer à témoigner et c’était une mort mystérieuse et foudroyante assurée. Crises cardiaques, accidents d’avion... Rien n’était plus naturel que ces morts pour un fait pourtant surnaturel. Ainsi, chaque année, de nouveaux Pères Noël apparaissent, victimes du même rituel maléfique. Et chaque année, des milliers d’hommes et de femmes meurent d’avoir voulu propager la vérité.

Aujourd’hui si je peux écrire ainsi librement et vous révéler ces mots, c’est que je suis mort. Oui je sais c’est étrange. Mais c’est ainsi. Vous vouliez parler avec les morts, vous en avez la possibilité grâce à Madame Paula et à l’écriture automatique. Le Père Noël existe. C’est une immense créature, un parasite gigantesque qui prend le contrôle de ses victimes et en fait des marionnettes au bout de ses tentacules. Si un jour vous tombez sur un livre étrange aux écritures incompréhensibles, ne vous en approchez pas, ou brûlez-le, sauf si vous voulez devenir un Père Noël dans un centre commercial ou à l’angle d’une ruelle sombre...


La chaîne Youtube des abîmes de l'épouvante consacrée à HP Lovecraft : http://www.youtube.com/pitichampi

Offline

Board footer

Powered by FluxBB