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#26 2008-07-03 12:14:55

Comte d'Erlette
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Re: Traductions françaises

Je me disais bien que ces résumés pesants faisaient bien publication par chapitre.
Et c'était dans une revue... humoristique!? Là je suis scié big_smile

Et le tow-head signifie plutôt "tête de paille" ou "cheveux de paille" plutôt que filasse, non?

Pour la fin de la phrase il est vrai que cette forme avec "damnée" évite une répétition ridicule.


"Just need one more thing, Cthulhu for president." -Bloop, by The Vampire Choir

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#27 2008-07-11 22:07:03

VanPrinn
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Re: Traductions françaises

Pour en revenir au sujet principal, lorsque l’on compare les deux traductions des « Montagnes Hallucinées », il apparaît que celle de S Lamblin est plus complète, et plus fidèle à la lettre (mais alors, pourquoi ne pas avoir retraduit ce titre en « Dans les Montagnes de la Folie » ?) ; mais que du point de vue du style, incontestablement, c’est bien J Papy qui demeure le meilleur traducteur d'HPL à ce jour. Ses versions sont de loin les plus fluides, les plus élégantes, avec des trouvailles comme celle de rendre "colour out of space" par "couleur tombée du ciel". Parfois, certes, le résultat est vraiment trop loin de l’original (pourquoi « le bord sculpté » devient-il « l’extrême bord du monde » ?) En revanche, chez S Lamblin on voit le majestueux « ancien Pharos » se changer en banals « anciens phares » (et pourquoi au pluriel ?)

Mais si parfois ces "résumés" améliorent la lecture du texte, il reste qu’en d'autres endroits il retranche des éléments qui peut-être n'étaient pas essentiels à l'histoire en elle-même, mais n’en étaient pas moins pierres essentielles de son édifice mythologique : par exemple les allusions au sort de Lomar et d'Hyperborée... Plus regrettable encore me semble la suppression des paragraphes où HPL ancrait ses mythes dans les hypothèses scientifiques de son époque, comme celui où la découverte des fresques rupestre permettait de confirmer la théorie de la dérive des continents de Wegener (qui dans la réalité devra attendre les années 60 pour se voir reconnue.)

Parmi d'autres suppressions que j’ai pu identifier ça et là : celle de l'évocation d'une rencontre avec l'esprit d'un Tcho-Tcho dans "Dans l'abîme du temps". Et surtout celle, dans "L'affaire Ch.D.Ward", d’une ligne où le dr. Willett se rappelle de ce que lui avait dit du signe de Koth "son ami Randolph Carter ».

Mais ce que je trouve encore moins admissible, c’est que J Papy (peut-être sous la pression de l’éditeur) ait carrément sucré toute la fin de « La couleur… » où le narrateur se demande avec inquiétude pourquoi Ammi Pierce n’a jamais quitté l’endroit, et s’il ne va à son tour subir le même sort que la famille Gardner…


Jean Alain M.

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#28 2008-07-30 09:44:36

Profond67
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Re: Traductions françaises

Salut,

la nouvelle qui s'appelle "celui qui hantait les ténèbres" porte le nom de "la chose des tenebres" chez pocket.

La nouvelle de chez bouquins de laffont a la même traduction que chez poket malgré le nom qui ne ressemble pas à celle de j'ai lu sauf le titre (j'espère que vous avez compris c'est compliqué).

En gros = même titre pour j"ai lu et Laffont,
et meme traduction pour poket et Laffont.

Comment la traduction a t-elle pu se tromper autant?
Pensez vous que cela est volontaire ou est-ce une erreur de traduction?

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#29 2008-07-30 11:01:49

Delapore
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Re: Traductions françaises

Effectivement, ce n'est pas très clair...

je ne connais pas l'édition de Pockett, mais j'ai compris qu'il s'agissait d'un recueil appelé "La chose des ténèbres", et réunissant la nouvelle de Lovecraft intitulée "Celui qui hantait les ténèbres", et d'autres nouvelles écrites par des imitateurs comme Brian Lumley ("Le rempart de béton") ou Robert Bloch ("L'ombre du clocher") par exemple. Donc c'est une anthologie ne comprenant qu'une seule nouvelle de Lovecraft. Mais cette nouvelle est bien intitulée à l'intérieur du livre : "Celui qui hantait les ténèbres"... comme chez Laffont et J'ai lu. D'où ta confusion, sans doute.

Il n'y a aucune nouvelle traduite en français à ma connaissance qui traduit par "La chose dans les ténèbres", le titre original étant "The Haunter of the Dark"... donc "celui qui hante", et non pas "la chose"("The Thing in the Dark"). Il n'y a donc pas d'erreur de traductions à mon avis entre les différents traducteurs français.

Voir le lien suivant :

http://www.tentacules.net/index.php?id=3034

Last edited by Delapore (2008-07-30 11:06:19)


"La guerre a dévoré mon fils... les yankees ont dévoré Carfax par le feu... Pourquoi un de la Poer ne dévorerait il pas des nourritures interdites ?"

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#30 2008-07-30 11:51:50

Profond67
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Re: Traductions françaises

Le truc c'est que quand j'ouvre mon livre la nouvelle s'intitule "la chose des ténèbres"
Sur ton lien l'appellation est juste mais, si tu clique sur la photo de ton lien de l'edition pocket la couv marque "la chose des ténèbres".

Quoi qu'il en soit l'histoire est la même hmm .

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#31 2008-07-30 15:08:22

Profond67
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Re: Traductions françaises

Oui KADATH merci, c'est bien de cette nouvelle dont je parlais.

Cela m'étonnais qu'une nouvelle puisse changer de titre aussi facilement (et autant de fois)

Alors, pourquoi a t-on changé 4 fois le titre de cette nouvelle??

Merci pour vos réponses smile

Last edited by admin (2016-08-31 11:41:38)

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#32 2008-07-30 17:08:33

Delapore
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Re: Traductions françaises

Autant pour moi, je n'ai pas le bouquin Pockett...

En tout les cas (et même si c'est trop tard maintenant), n'achètes surtout pas les autres bouquins de cette édition : un traducteur qui confond "la chose" et "celui qui hantait", déjà au niveau du titre, doit être capable du pire pour ce qui est de l'histoire elle même...

Donc d'après lui, au cinéma, Carpenter a réalisé le célèbre film "Celui qui hantait" !... Ca promet... wink


"La guerre a dévoré mon fils... les yankees ont dévoré Carfax par le feu... Pourquoi un de la Poer ne dévorerait il pas des nourritures interdites ?"

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#33 2008-07-31 08:15:16

Profond67
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Re: Traductions françaises

J'ai vérifié les nouvelles entre l'édition Laffont (bouquins) et pocket le texte y est repris mot pour mot, c'est le même texte. Il semble qu'il y ait juste un problème avec le titre hmm .

Qoui qu'il en soit, je ne trouve pas ça correct de changer les titres des nouvelles.

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#34 2008-07-31 13:37:48

Delapore
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Re: Traductions françaises

Il est vrai qu'entre "The Haunter of the Dark" (HPL), "The Whisperer in the Dark" (HPL), "The Dweller in the Darkness" (Derleth), il ne faut pas se perdre...

Il y aurait beaucoup à dire sur les titres des récits lovecraftiens (HPL et ses épigones). Ainsi, le mot "horror" revient souvent  :

- "L'horreur dans le musée"
- "L'horreur dans le cimetière"
- "Horreur à Red Hook"
- "L'horreur venue des collines" (FB Long)
- "L'horreur de l'arche centrale" (Derleth)
- "The Horror from the Bridge" (Ramsey Campbell)
- "L'horreur dans la galerie" (Lin Carter)

Je sais, en tant qu'écrivain amateur, qu'il est difficile de trouver un titre à la fois suffisamment sinistre, ayant un trait évident avec la nouvelle, et sans pour autant tomber dans la banalité. Je n'y suis pas toujours parvenu, loin de là. Alors beaucoup de titres lovecraftiens se ressemblent, avec les mots "ombre", "ténèbres", "épouvante", "chose", "temps"...

Conseils pour les novices en fiction lovecraftienne pour construire un titre d'après Robert M. Price (dans son guide : "Comment écrire du Cthulhu pour les nuls")

Choisissez à chaque fois un terme dans l'une des catégories A, B et C ci dessous :

A) L'horreur, La chose, Celui qui, l'ombre, le rodeur, la malédiction, la maison, épouvante, le cauchemar, le monstre, manuscrit, journal, l'héritage.

B) Dans, De, règne, hantait, au, sur, par delà, au delà de, du, rode, venu(e) de, rampait dans, trouvé dans, sans.

C) Des étoiles, les ténèbres, le temps, de l'abîme, la cave, le cimetière, l'espace, lune, une bouteille, l'oncle Timothée, fin.

Par exemple : La chose (A) au delà de (B) l'espace (C). Bravo ! Vous avez inventé un titre pour votre nouvelle lovecraftienne !... Mais attention, on pourrait confondre votre nouvelle avec celui de votre copain qui a choisi "La chose (A) venue de (B) l'espace (C) " ! wink

Mais soyons juste : on pourrait en dire parfois autant pour d'autres fictions dont les titres se ressemblent beaucoup. Pas facile d'être original dans ce domaine... ("Passion sous les tropiques, L'amour à la plage", "Les tumultes de l'amour", "Rencontre amoureuse à Venise", "Liaisons amoureuses", "Les feux de la passion", "Passion à Venise", "A l'ombre des tropiques", "L'amour tropical", "Passion aux Bahamas", "La passion de l'amour"... tous titres de livres que vous ne lirez heureusement jamais, puisque nous ne sommes que des hommes sur ce site...) lol

Last edited by Delapore (2008-07-31 13:39:56)


"La guerre a dévoré mon fils... les yankees ont dévoré Carfax par le feu... Pourquoi un de la Poer ne dévorerait il pas des nourritures interdites ?"

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#35 2008-08-19 11:19:17

Delapore
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Re: Traductions françaises

Charlesdexter wrote:

Delapore, c'est quoi ce guide de M. Price !! ca m'intéresse.

Désolé de te décevoir, il n'est malheureusement plus disponible à Carrefour... Ce guide est un canular, mais Robert Price, qui a dirigé une excellente collection, NOCTURES, aux éditions ORIFLAM, qui présente des textes de HPL accompagnés de ses prédécesseurs ou de ses épigones, et classé par thèmes (Le Cycle de Cthulhu, Le Cycle de Nyarlathotep, Le Cycle de Shub-Niggurath, exetera...), lui, existe vraiment. Il avait lancé cette idée en s'inspirant lui même d'un article du magazine MAD qui se moquait du caractère répétitif des textes des chansons de Bob Dylan.

"Le journal au delà de l'oncle Timothée", j'aime bien aussi. wink


"La guerre a dévoré mon fils... les yankees ont dévoré Carfax par le feu... Pourquoi un de la Poer ne dévorerait il pas des nourritures interdites ?"

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#36 2008-08-19 12:22:04

Delapore
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Re: Traductions françaises

Je n'ai pas eu l'occasion d'opérer tous ces comparatifs, n'ayant jamais été un bon écolier en anglais...

Par curiosité, j'ai tout de même comparé "Les montagnes hallucinées" par rapport à la version de Papy, puisque j'avais lancé ce thread en réaction aux commentaires du dénommé Joseph Altairac. J'en déduisais (au vu des exemples qu'il avançait) que les "coupures" opérées par Papy n'étaient pas nécessairement blasphématoires, et ne comprommetaient pas l'intérêt de l'histoire en soi.

S'agissant de ces exemples, je maintiens. Mais il citait en fait surtout le début de la nouvelle.

En lisant le reste, je reconnais que si Papy, en réduisant la longueur du texte (paragraphes raccourcis, voire entièrement supprimés), a peut être contribué à épargner à certains lecteurs le danger de s'ennuyer ferme par moments là où HPL se montre un peu trop bavard, je reconnais que certaines suppressions sont regrettables.

Apparemment, Papy n'était pas passionné par la géologie et la paléontologie, et certaines précisions scientifiques auraient pu être maintenues (description de certains fossiles préhistoriques, les références à des explorateurs précédents de l'Antactique, des passages concernant l'histoire des Anciens).

On peut aussi effectivement déplorer à l'instar de VanPrinn la suppression de l'allusion au fait que l'apparition des grands froids qui, depuis, n'ont plus jamais abandonné les deux pôles, avaient également provoqué la disparition des fabuleux pays de Lomar et d'Hyperborée à l'autre extrémité de la terre. On peut également déplorer la suppression de la référence aux "pays écarlates des rêves dunsaniens". Car ces mentions - Lomar, Hyperborée, Lord Dunsany- constituent des "intertextes" par rapport à d'autres oeuvres de HPL, ou à celles de ses collègues, ou à ses collègues proprement dit, ce qui confère toujours un intérêt supplémentaire au "Mythe de Cthulhu".

Pour le reste néanmoins, on peut parfaitement lire la traduction de Papy et trouver le récit passionnant pour autant. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de remarquer au passage que ce dernier avait au moins supprimé des redondances inutiles concernant l'insistance de Lovecraft à comparer ces montagnes hallucinées à certains tableaux de l'Asie peints par Nicholas Roerich (Lovecraft cite cette référence à 5 reprises... au moins 3 de trop!)

Ensuite, j'ai opéré un autre comparatif sur un texte pourtant également majeur de HPL : "L'abomination de Dunwich". Là, en revanche, malgré l'omission à mon sens regrettable de l'allusion à la nouvelle d'Arthur Machen, "Le grand dieu Pan" (allusion essentielle car, à mon sens, Machen a été le principal inspirateur de Lovecraft), Papy a scrupuleusement respecté la traduction du récit original.

Je ne sais pas encore pour les autres textes, mais je crois que le dénommé Altairac n'a pas choisi "Les montagnes hallucinées" par hasard pour s'en prendre à Papy, car c'est dans ce texte qu'il s'est peut être permis le plus de libertés... mais s'il avait été plus honnête, il aurait aussi dû entreprendre le même exercice pour "L'abomination de Dunwich", nouvelle qui contredit sa (sublime ?) démonstration.

Il faut aussi tenir compte que "Les montagnes hallucinées" est un récit un peu à part par rapport aux autres : il s'agit du seul récit d'exploration scientifique écrit par Lovecraft (à part peut être les ruines australiennes dans "L'abime du temps", mais les passages qui leur sont consacrés ne constituent qu'une partie du récit). "Les montagnes hallucinées" est sa seule histoire où il se répand autant en explications scientifiques (géologiques ou archéologiques). Il y était donc particulièrement tentant de procéder à des "raccourcis", estimant (à tort ou à raison) que certaines précisions scientifiques risquaient d'alourdir la lecture du récit.

Mais de là à dire, pour "Les montagnes hallucinées", comme le fait Joseph Altairac, qu'il s'agit à cause de Papy d'une "adaptation" plutôt que d'une "traduction", reste outrancier et excessif. Et comme le disait Talleyrand (enfin, selon Sacha Guitry) : "C'est excessif, et comme tout ce qui est excessif, c'est méprisable".

Last edited by Delapore (2008-08-19 22:41:24)


"La guerre a dévoré mon fils... les yankees ont dévoré Carfax par le feu... Pourquoi un de la Poer ne dévorerait il pas des nourritures interdites ?"

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#37 2010-08-19 09:47:43

Schizodoxe
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Re: Traductions françaises

Je viens de découvrir à l'occasion de la sortie récente (17 août) de Celui qui hantait la nuit (The Haunter of the dark) un petit éditeur qui en est à sa quatrième traduction de Lovecraft.

Connaissiez-vous ces traductions ?


Je suis, voyez-vous, une sorte d’hybride intermédiaire entre le passé et le futur — archaïque dans mes goûts personnels, mes émotions et mes intérêts, mais d’un tel réalisme scientifique en philosophie, que je ne peux supporter d’autre point de vue intellectuel que le plus avancé.
HPL

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#38 2010-08-31 08:45:02

Schizodoxe
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Re: Traductions françaises

L'image dans la maison déserte est une nouvelle de la jeunesse de Lovecraft, puisqu'elle date de 1920. C'est néanmoins un texte important car, en plus de ses qualités propres — les trois premiers paragraphes sont du meilleur Lovecraft —, cette nouvelle annonce ce que Lovecraft appellera le cycle d'Arkham puisque c'est dans cette nouvelle que cette ville est pour la première fois mentionnée.

Cette nouvelle a été traduite pour la première fois dans les cahiers de L'Herne consacrés à Lovecraft. Ce n'est pas Papy pour une fois, mais Jacques Parsons qui s'y est collé et (j'en viens à mes remarques), c'est un beau gâchis. Voici mes remarques après avoir relu la version originale annotée par Joshi en parallèle à la version française :
1. la très belle phrase "epicure in the terrible" est rendu platement par "amateur de terreur" — il me semble qu'il y avait moyen de rendre justice à l'original en traduisant par "épicurien du terrible / de l'horrible" ou quelque chose dans le genre ;
2. les passages en dialecte yankee sont rendus dans un français châtié et ordinaire ;
3. un nom commun, passon, mot dialectal pour parson, c'est-à-dire un membre du clergé, est interprété comme un prénom ;
4. la grande perruque de ce clergyman devient un gros bonnet (et fait du clergyman un gros bonnet...).
A la lumière de ces remarques, on comprendra qu'il est donc très regrettable que l'édition Robert Laffont des oeuvres ait repris cette traduction.

Ah, une dernière remarque portant sur la nouvelle elle-même : le narrateur remarque que dans la maison qu'il croit déserte il y a une horloge qui marche... et n'en tire pas la conclusion logique et se montre très surpris d'une présence dans la maison. Certes, on peut toujours penser qu'ayant frappé et n'ayant pas eu de réponse, il pense la maison vide, mais pas nécessairement inhabitée, mais cela sonne bizarrement tout de même.

Last edited by Schizodoxe (2010-12-08 20:08:06)


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HPL

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#39 2010-11-17 10:12:17

Schizodoxe
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Re: Traductions françaises

Je sais que Jacques Papy et ses traductions de Lovecraft ont mauvaise presse (à tort selon moi), mais Cocteau qui avait du goût les appréciait comme en témoigne cette lettre de 1955 que j'ai trouvé sur Abe Books :

Mon cher Jacques Papy. J'ai connu par coeur des livres qui ouvrent des portes sur ce qu'on a coutume d'appeler le vide et qui est, hélas, à l'inverse. Plein de monstres et de pessimisme, l'amertume terrible de Bierce, de Lovecraft, l'impliquent. Dans le "dictionnaire du Diable" il y a autre chose. Ce même noir, qu'on a baptisé humour noir, sorte de dandysme de l'épouvante. N'a-t'on pas surnommé notre nihiliste: "Bitter Bierce"? Vous savez quelle pente au noir j'ai, à combien de luttes cela m'oblige. C'est égal je fouille ma plaie en lisant ce dictionnaire d'un intellectuel (ah le diable) dont l'intelligence sans que Bierce le veuille, ressemble curieusement à la bêtise admirable que j'accorde aux poètes et que Luther prête à Dieu.

Cocteau à Jacques Papy, 1er avril 1955, source.


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HPL

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#40 2013-05-23 23:38:07

Pickman
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Re: Traductions françaises

Peut-être l'un d'entre vous a t-il déjà fait mention de ce détail dans le forum mais il m'était difficile, voir impossible de le trouver parmi la gigantesque pelote de fils (ou pires : de posts) de ce forum.
Je m'excuse donc à l'avance si je ne fais que remettre sur le tapis un sujet déjà commenté.

Aussi étrange que cela pourrait sembler pour un amateur de HPL, je n'avais pas encore en ma possession les éditions de ses textes publiés par Robert Laffont en Bouquins.
J'avais certes emprunté le premier tome à la bibliothèque (l'ancienne édition) il y a des éons... enfin, n'exagérons rien... disons une vingtaine d'années.
Mais j'en restais à mes éditions de poche (Présence du Futur, J'ai Lu anciennes ou plus récentes éditions...) et m'en satisfaisait très bien.

Dernièrement, je me décide quand même à acheter ce premier tome Bouquins, d'autant qu'on y trouve des textes des continuateurs que je n'ai jamais eu l'occasion de lire.
Je soupèse la brique, je la renifle, je la compulse au hasard (vous savez ce que c'est...) et je m'arrête sur le texte le plus évident : L'Appel de Cthulhu.
En (re)lisant la célèbre introduction et même seulement la première phrase, je me met alors à tiquer.
Car je lis ceci :

Ce qu'il y a de plus pitoyable au monde, c'est, je crois, l'incapacité de l'esprit humain à relier tout ce qu'il renferme.

Pitoyable ??

Je me rappelais évidemment avoir lu (et relu et rerelu) le texte dans la traduction de Jacques Papy qui était, bien sûr :

Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c'est l'incapacité de l'esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu'il renferme.

Je regarde alors la mention du traducteur en bas de la page et je lis : Claude Gilbert.
Bon OK.
Je ne me souviens pas de ce traducteur, je ne l'ai jamais lu en Denoël.
Mais une chose est sûre : je déteste déjà la première phrase !
Curieux comme une simple phrase et même dans ce cas un simple mot peut vous faire tiquer. Car tout d'abord non seulement je n'aime pas ce "pitoyable" sorti de je ne sais où mais en plus je ne le comprends pas dans le contexte de la phrase et du propos de l'intro. C'est comme un non-sens ou plutôt un contre-sens. Je m'en explique plus bas...
La phrase de Papy me semblait nettement plus clair et ne souffrait, pour moi, d'aucun besoin d'explication ni d'ambiguité : ne pas pouvoir mettre en corrélation tout ce que l'esprit renferme est une miséricorde qui nous est accordée.
Bien. Je peux continuer ma lecture.

Mais ici... hmm
Alors certes, l'adjectif pitoyable renvoie à la notion de pitié qui à son tour peut renvoyer à celle de miséricorde. La notion reste donc équivalente.
L'ennui, c'est qu'en français, "pitoyable" possède aussi une seconde acception qui est "lamentable", "navrant", "minable"... et peut donner à la phrase une tournure différente et même opposée (voir plus bas...)
J'en veux pour preuve cette définition tirée du Net :

Pitoyable, adjectif
Sens 1 Lamentable. Anglais pitiful
Sens 2 Qui inspire la pitié.

pitoyable : 6 synonymes.
Synonymes attendrissant, calamiteux, lamentable, minable, miteux, navrant.

Et c'est généralement celle qui est la plus "(sous)entendue" lorsqu'on emploie ce mot au quotidien.
De fait, mon cerveau ne peut s'empêcher de comprendre : ne pas pouvoir mettre en corrélation tout ce que l'esprit renferme, c'est lamentable, navrant, voir pathétique. Bref, quelque chose qu'il faudrait regretter en quelque sorte.
Hors, cela devient donc, en gros : "Quel dommage de ne pouvoir relier tout ce que l'esprit renferme !".
C'est marrant car, si je ne m'abuse, le propos est censé dire exactement le contraire, sous-entendant plutôt "Quel chance de ne pouvoir relier tout ce que l'esprit renferme !" Une chance qui nous est octroyée par une miséricorde auquel faisais référence Jacques Papy.

L'emploi de ce mot est plutôt malheureux qui, s'il renvoie effectivement à la notion de pitié (donc de miséricorde) dans l'absolu, prend ici un sens qui, paradoxalement et de manière cocasse, sous-entend le contraire.
Le traducteur aurait pu éviter ce malentendu en écrivant, par exemple :

Ce qui est pure pitié en ce monde, c'est, je crois, l'incapacité de l'esprit humain à relier tout ce qu'il renferme.

Il n'y a pas de changement fondamentale mais le cerveau du lecteur aurait davantage saisi que l'esprit humain était "pris en pitié", au sens de "clémence".

Notez que, en y repensant, cette traduction ci-dessus n'est même pas pertinente non plus car on pourrait la lire comme "c'est une vraie pitié que l'esprit humain soit incapable de relier tout ce qu'il renferme !".
Et nous revoilà à nouveau avec une lamentation sur les bras et, par-dessous, comme un souhait du contraire.
J'y perds mon latin ou plutôt mon français... hmm

J'ignore quelle est la phrase dans sa version originale et si HPL emploie le terme "pity" ou "pitiful" mais, dans la traduction de Gilbert, c'est problématique.
Ou disons plutôt que j'ai été, pour ma part, instantanément gêné par ce terme.
Au point que j'ai failli ne pas acheter le livre. Et tout cela à cause d'un seul mot dans un livre qui compte 1174 pages ! Peut-on être plus pinailleur ? tongue
Finalement, je l'ai tout de même acheté, d'autant que j'ai remarqué que, pour les autres "grands textes" du Mythe, cette édition a conservé la traduction de Papy... enfin pas tout fait : de Papy et Simone Lamblin. Donc différentes de celles publiées en PdF à une époque. Mais soit : je possédais aussi certaines de ces traductions dans des poches plus récents.
Mais je me demande alors pourquoi, nom d'un Shoggoth, avoir choisi cette traduction d'un autre pour ce qui est probablement le texte le plus emblématique (et fondateur) du Mythe ?
Alors peut-être que d'autres, mieux informés, me diront que celle-là (en dehors de ce mot malheureux d'entrée de jeu) est plus satisfaisante, plus fidèle, plus je ne sais quoi... Je l'ignore, n'étant pas aussi informé des différentes traductions existantes, ni du texte original (n'étant pas anglophone).
Ce qui est sûr, c'est que je préférerai relire L'Appel de Cthulhu dans mes bonnes vieilles éditions de poche ou à la rigueur celle revue par Lamblin.

Et, quoi qu'il en soit, ce mot, prit dans ce contexte, fut une... pitié à lire.


Post-scriptum :

En guise de dernière cogitation non dénuée d'ironie, on pourrait également faire une remarque à propos de la traduction de Papy.
C'est que le mot "miséricorde" convient pourtant assez mal aux idées de Lovecraft. En effet, ce terme reste non seulement lié à la religion (même s'il s'est de nos jours un peu dégagé de cette appartenance mais reste peu employé tout de même) mais pourrait aussi sous-entendre que cette miséricorde nous serait donnée par... hé bien... Dieu (sinon : who else ?), auquel ce mot est souvent rattaché.
Et que, autrement dit, c'est Dieu qui nous donnerait la possibilité miséricordieuse d'éviter de pouvoir relier tout ce que l'esprit contient, etc...
Car, sinon, d'où viendrait donc cette miséricorde ?
Hors, on sait assez ce que pensait HPL de cette idée de démiurge et son incongruité dans sa cosmogonie.
Mais là, je cherche la petite bête, je sais, et il se fait tard.

Mal à la tête, moi... smile

Last edited by Pickman (2013-05-23 23:41:59)

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#41 2013-05-24 15:03:53

Bel Shamharoth
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Re: Traductions françaises

+1 Pickman !
Ça m'a énérvé aussi de lire cette traduction pitoyable ; je connaissais la phrase par le bouquin de Houellbecq, qui la reprenait sans doute de Papy. C'est vrai que ça gâche tout, on a envie de la passer au tipex et de la corriger.
Le mot d'origine est merciful je crois.
...et misericordieux ma foi, ça me semble pas trop mal comme traduction, je ne le ressens pas comme une référence religieuse ; c'est un peu comme son génial '' blasphématoire '' qui ne blasphême aucune religion en particulier mais la vie elle même.
Ici c'est une miséricorde biologique d'un pur matérialisme. Elle s'explique par une évolution darwinienne qui protégerait l'espèce humaine de l'inévitable extinction qu'entraineraient les révélations de l'indicible ; tout le monde sombrant dans la folie à leur contact.

Last edited by Bel Shamharoth (2013-05-24 15:12:33)


Ton ami, lui, va rencontrer Bel-Shamaroth. Toi, tu vas seulement mourir.

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#42 2013-05-25 18:01:17

The_Whisperer
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Re: Traductions françaises

Le sens de "pitoyable" ne m a pas gêné en particulier, et je suis pas sûr qu il faille blâmer un traducteur pour le 2e sens d un terme, à moins que la signification voulue soit difficile à deviner. Mais j ai effectivement été déçu de voir que certains passages cultes étaient différents et moins classes dans les Laffont, que dans les traductions web qui me les avaient fait connaître... Dont ce fameux passage évidemment. Et voilà, à cause de toi j ai envie de lire L Appel de Cthulhu version JP yikes

Last edited by The_Whisperer (2013-05-25 18:02:48)

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#43 2013-05-25 20:05:29

Pickman
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Re: Traductions françaises

@Kadath : Désolé. Je me doutais bien que le forum en avait déjà parlé mais ce n'était pas aisé à vérifier.

Sinon... décidemment, ce Claude Gilbert a le chic pour rendre triviales ses traductions. L'habitué des Ténèbres...
Ca me fait penser à un type qui fréquenterait les ténèbres comme d'autres les bistrots. smile
- Machin ? Bah oui, c'est un habitué...

Pour ce que tu dis sur les films, les problèmes de traductions dans les sous-titres sont hélas fréquents. Je ne comprends pas pourquoi, par exemple, les traducteurs interprètent souvent plutôt que de se contenter de traduire. Avec même une connaissance minime de l'anglais, on réalise souvent que le sous-titre ne correspond pas à ce que dit l'acteur, alors que c'est parfaitement traduisible.
Autre catastrophe : des sous-titres qui se contentent du minimum syndicale et ne traduisent parfois qu'une phrase sur deux...

Bel Shamharoth wrote:

...et misericordieux ma foi, ça me semble pas trop mal comme traduction, je ne le ressens pas comme une référence religieuse ; c'est un peu comme son génial '' blasphématoire '' qui ne blasphême aucune religion en particulier mais la vie elle même.
Ici c'est une miséricorde biologique d'un pur matérialisme. Elle s'explique par une évolution darwinienne qui protégerait l'espèce humaine de l'inévitable extinction qu'entraineraient les révélations de l'indicible ; tout le monde sombrant dans la folie à leur contact.

C'est une idée intéressante, même si peut-être un peu cappilotractée à mon sens...
Je ne pense pas que la biologie se préoccupe de la santé mentale des êtres. Mais bon...
De tout façon, contrairement à l'adjectif "pitoyable" de la traduction de Gilbert, ce n'était pas une critique. Juste un clin d'oeil amusant par rapport aux idées de HPL.
Quant à "blasphématoire", il me semble qu'on ne peut être "blasphématoire envers la vie" que si on la considère comme une chose sacrée.
Alors bien sûr, vous allez me dire qu'on peut évidemment considérer la vie comme sacrée (ou une vie) sans faire appel à une quelconque religiosité.
C'est d'ailleurs pareil pour des notions comme la charité, le pardon, etc... et je suis le premier à m'élever (étant agnostique) contre l'idée que seuls les chrétiens auraient le monopole de la charité et du pardon. ^^
Mais ces mots sont tout de même enracinés dans une terminologie religieuse pour moi, qui peut-être autant païenne que chrétienne d'ailleurs !
Soit.
Et puis, c'est plus simplement le genre d'adjectifs (et HPL, en particulier, n'en était pas avare wink ) censés frapper l'esprit du lecteur d'histoires d'épouvante/de fantastique en dehors de tout rattachement à une idéologie quelconque.

Encore une fois, ce n'était qu'un clin d'oeil ironique sous forme de P.S., comme je le spécifiais bien.


@The_Whisperer : Ce n'est pas seulement le fait que le mot à un deuxième sens. C'est que le choix malheureux de ce terme crée carrément un contre-sens, surtout si on lit le texte pour la première fois. Et ici, c'est évident. Il existe bien sûr des mots français qui possèdent plusieurs sens et on ne peut pas demander à un traducteur de tenir compte de tous les autres sens mais ici c'est différent.
Franchement, si je ne connaissais pas l'ancienne traduction, je n'aurais pas compris... surtout quand on lit ce qui suit.
On a vraiment l'impression que l'auteur nous dit d'abord qu'il faudrait regretter de ne pouvoir relier tout ce que l'esprit renferme. Mais quand on lit la suite ("un jour cependant"... "cette connaissance qui nous ouvre des perspectives si terrifiantes", etc...) où il est dit que l'esprit n'aura plus "qu'à sombrer dans la folie ou "à fuir cette lumière mortelle pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d'un nouvel obcurantisme", ça ne colle tout simplement pas. Et arrivé à ce point, le lecteur se voit obligé de revoir/corriger sa compréhension initiale.
Et ça, pour moi, ce n'est pas acceptable.
Et si cela incite à lire ou relire l'AdC dans la traduction de Papy... cela vaut toujours mieux pour moi que celle-ci. ^^

Last edited by Pickman (2013-05-25 20:17:39)

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#44 2013-05-25 21:07:11

The_Whisperer
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Re: Traductions françaises

Oui, j avais bien compris que ça pouvait amener un contresens, mais je me dis que si on va par là, le mot pitoyable pourra être sujet à contresens dans la plupart des cas... Et donc il ne faudrait plus l utiliser, pour être sûr que le lecteur comprenne? Mais peut être que je me trompe. L habitué des Ténèbres en tout cas, c est une aberration cosmique...

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