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Lovecraft : le dernier puritain

2011, par Cédric Monget, éd. La Clef d'Argent.

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Par Adam, KADATH, Nyarly & Robert Olmstead

Introduction

Il y a plein de raisons d'acheter ce livre :

Un point de vue inédit

En premier lieu, il convient d'insister fortement sur l'événement que constitue cette parution : si l'essai de Cédric Monget se place dans une certaine continuité des études lovecraftiennes d'outre-Atlantique en ce sens qu'il reconnaît le terreau fertile en nouvelles pistes travaillé par des éminences telles que S.T. Joshi, David Schultz ou Kenneth Faig, Jr. , il marque une rupture avec la tendance éditorialiste, universitaire, voire conceptuelle de la critique lovecraftienne française qui a bien souvent écrit tout et n'importe quoi sur le gentilhomme de Providence. On marquera toutefois du sceau de l'érudition et de l'excellence ce grand monsieur que fut Francis Lacassin et les illustres Joseph Altairac, Michel Meurger et Philippe Gindre, éditeur du présent ouvrage.

La grande force de Lovecraft : le dernier puritain est de se situer sur deux plans qu'il est souvent difficile de concilier en un seul et même travail : la synthèse et l'apport de nouvelles données. Celà s'opère bien évidemment sur le recours à la correspondance autant qu'à la fiction de Lovecraft, une démarche encore trop peu usitée en France. Le postulat est ainsi un fait établi : l'oeuvre de Lovecraft ne peut se comprendre et s'appréhender que par la connaissance de sa philosophie.

Lovecraft le matérialiste

Cet ouvrage érudit au style fluide et limpide est essentiellement orienté vers l'aspect religieux ou plutôt l'absence de religiosité chez HPL. Celà peut rebuter un public plus à l'aise dans le domaine de l'imaginaire que dans l'analyse d'un niveau universitaire des théories philosophiques ou des questions religieuses, pourtant ce livre est suffisamment riche en analyses pour permettre de mieux cerner la démarche de Lovecraft : Cédric Monget démonte toute la mécanique complexe de la pensée de l'écrivain en pointant du doigt les excès qu'une telle dichotomie a engendré chez HPL.

Monget mesure à l'aune de nos conceptions modernes à quel point l'athéisme de Lovecraft et son “matérialisme mécanique” se confondent avec chaque effort d'écriture qu'il a éprouvé. Il pose les bases solides du matérialisme athée de HPL sur les bases du réalisme scientifique dont l'écrivain se sentait proche. Au regard des propres lectures de Lovecraft (nombreuses, parfois superficielles, parfois erronées), des grands polémistes et philosophes, l'essayiste établit un fil conducteur dans la vie de l'homme et dans le cheminement littéraire de l'écrivain. Car l'un ne va pas sans l'autre et Monget nous convie à une visite commentée de la topographie philosophique d'un auteur unique en son genre, sans complaisance, au point de ne pas hésiter à relever avec méfiance la récupération d'une forme de lovecraftisme dénaturé par les athées militants, et sans effet d'hagiographie encombrante ou d'anathème inutile.

Lovecraft le philosophe

Il met en outre le doigt sur le mouvement de balancier que l'écrivain opéra toute sa vie entre un conservatisme pur et dur et un libéralisme prudent en manière de mode de pensée et de vie, et dans son écriture où l'onirique le dispute à l'horreur pour ensuite se réunir dans une seule et même conception : l'horreur cosmique.

La philosophie lovecraftienne s'applique pleinement et l'écrivain, malgré ses défauts stylistiques, réussit là où d'autres échouent : nous emmener dans une histoire dont nous connaissons déjà la fin tragique du héros malmené par des forces le dépassant sans que nous puissions, comme lui, y échapper. La lecture de Lovecraft est décuplée si on associe la lecture de ce que fut sa vie (lettres et témoignages) et les essais le concernant qui apportent un autre sens sans rien enlever de l'état second que cette lecture peut nous procurer.

Conclusion

Un essai érudit et pertinent qui s'appuie sur la fiction et la correspondance de Lovecraft pour démontrer comment l'athéisme de ce dernier sous-tend et révèle sa philosophie et son évolution en tant qu'homme et écrivain. Assurément une pierre angulaire de l'étude lovecraftienne française !

Petit par la taille mais immense quand au savoir maîtrisé et accessible, Lovecraft : le dernier puritain est à mettre d'urgence entre les mains de tout bon lovecraftien qui se respecte. On y retrouve le même plaisir d'étonnement intellectuel que lors de la découverte des écrits de Maurice Lévy et Michel Houellebecq ! Une lecture plus que recommandée qui ne nous fait espérer qu'une seule chose : la suite !